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Cameroun: Mise au point du prisonnier politique Marafa Hamidou Yaya

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Monsieur le Directeur de publication du quotidien « Le Messager »

Monsieur le Directeur de publication,

La grande « Une » de votre parution du jeudi 02 juillet 2020, titrée « Opération Epervier : 20 ans après, quel bilan ? » annonce une « Enquête sur le projet d’assainissement de la gouvernance publique initiée par le président de la République, lequel divise l’opinion, plus qu’il ne produit des convergences ».

Vous m’avez fait l’honneur de figurer à la première place de la galerie de portraits illustrant cette grande « Une ».

Dans le dossier consacré à ce sujet, bien que n’ayant été mis en cause à aucun moment, mon nom est néanmoins cité dans deux articles intitulés :

1 – Virage : Puis vînt l’ « affaire Albatros ».

2 – Aux « camarades » sous le coup de la justice… La hiérarchie du parti exige l’omerta.

Je voudrais d’emblée préciser à l’attention de vos lecteurs et à celle de l’opinion en général que je ne suis ni impliqué ni concerné par l’ « affaire Albatros » et que le prétexte de « détournement de deniers publics » dans l’affaire BBJ-2 invoqué pour justifier mon arrestation et mon incarcération, n’a pas résisté à un examen par les différentes juridictions. En effet :

I – Devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi, les témoins de l’accusation m’ont disculpé et le Tribunal a reconnu mon innocence. En lisant le jugement, on n’y trouvera aucune trace de détournement de fonds ou de recel. Tout ce que le Tribunal a trouvé pour me condamner, est un fait de « complicité intellectuelle ». Pour cela, il s’est fondé uniquement sur ma relation amicale avec un des coaccusés au moment des faits.

Pour asseoir sa décision de me condamner, le Tribunal s’est fondé sur deux jurisprudences inappropriées, car l’une est obsolète et l’autre étrangère à la cause.

La première jurisprudence excipée, qui date de l’année 1964, est un Arrêt de la Cour suprême, rendu sur la base de la loi du 9 novembre 1962. Or, cette loi a été abrogée par la loi du 12 juin 1967 portant institution d’un Code pénal du Cameroun. Cette réforme fondamentale ne pouvait pas être ignorée par le Tribunal !

La deuxième jurisprudence, plus que centenaire, est étrangère à la cause puisqu’elle se rapporte à l’Arrêt de la chambre criminelle française du 4 janvier 1902, concernant des faits relatifs au détournement de mineurs ! Or, même cette « solution » a fait l’objet d’un revirement jurisprudentiel comme l’illustre une nombreuse jurisprudence de la Cour de cassation française.

En plus, probablement sachant cela, le Tribunal a délibérément indiqué dans le jugement, une fausse référence pour désorienter mes conseils dans leurs recherches. Il aura fallu toute la détermination et tout le professionnalisme de ceux-ci pour retrouver cet Arrêt.

Ma condamnation par le Tribunal de grande instance du Mfoundi a été décriée par tous les observateurs, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun.

II – Le jour de l’ouverture de mon procès le 16 juillet 2012, le gouvernement a promulgué une loi de procédure opportuniste. En particulier, cette loi supprime la voie d’appel. Me conformant néanmoins aux dispositions de cette nouvelle loi, j’ai formé un pourvoi contre ce jugement.

Cette nouvelle loi dispose que la Section spécialisée de la Cour suprême dispose d’un délai de six mois pour examiner le pourvoi et vider sa saisine. Après presque trois années d’attente en vain, je me suis résolu à soumettre, le 20 juin 2015, mon dossier auprès du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire.

Cette instance onusienne, après une étude approfondie du millier de pages de documents soumis par mon avocat et ceux du gouvernement camerounais dans leur réponse, a adopté
l’Avis no. 22/2016 le 27 avril 2016, lors de sa 75ème session tenue du 18 au 28 avril 2016 à New York. Cet Avis stipule en particulier ce qui suit :
« Le Groupe de Travail conclut que la détention de M. MARAFA Hamidou Yaya est arbitraire au titre de la catégorie III telle que définie au paragraphe 8 des Méthodes de Travail, et que le Gouvernement a l’obligation d’y mettre fin et d’accorder à la victime une réparation appropriée. Dans ces conditions, le Groupe de Travail demande la libération immédiate de M. YAYA, avec la possibilité d’un nouveau procès où tous ses droits devront être entièrement respectés, pourvu que le Ministère public ait des raisons valables de le poursuivre.
Conformément au paragraphe 33(a) des Méthodes de Travail, le Groupe de Travail saisit la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats pour toute action appropriée ».

Cet Avis a été communiqué au gouvernement avant d’être finalement rendu public le 24 juin 2016.

Votre quotidien en avait fait, en son temps, la grande « Une » de sa parution du 1er juillet 2016.

A ce jour, le gouvernement n’a pas cru devoir respecter cet Avis, se soustrayant ainsi de ses engagements internationaux.

III – Ce n’est que le 22 mars 2016, soit 42 mois (trois ans et demi) après le jugement, que l’examen de mon pourvoi a débuté. Soucieuse de vider sa saisine avant la publication de l’Avis du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire, adopté le 27 avril 2016, la Section spécialisée de la Cour suprême a décidé de me condamner à l’audience du 3 mai 2016. Mais, par une coïncidence improbable, ce jour là, je me suis retrouvé dans la salle d’audience en présence de mon successeur au secrétariat général de la présidence. Celui-ci avait formé un pourvoi auprès de la Section spécialisée de la Cour suprême dans le cadre d’une autre affaire le concernant, dont l’examen a été curieusement programmé le même jour que celui de mon pourvoi.

Or, la même Section spécialisée de la Cour suprême, composée de manière rigoureusement identique, avait rendu un Arrêt le 6 janvier 2016, c’est-à-dire seulement quatre mois plus tôt, entérinant la condamnation de mon successeur pour tentative de détournement des mêmes sommes que j’étais accusé d’avoir prétendument détournées deux années auparavant.

Face à cette situation embarrassante, le Ministère public a demandé le renvoi de la cause pour une prétendue « mise en état du dossier de procédure » ! L’audience a été suspendue et renvoyée au 17 mai 2016.

A cette audience, et dès l’examen du premier moyen de cassation proposé par mes conseils, le conseiller-rapporteur déclare « que le moyen est fondé et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et pourvois, il y a lieu, en application des textes visés, d’annuler ledit jugement ». Puis il rappelle que l’article 527 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) L’annulation d’une décision par la Cour Suprême peut être partielle ou totale.

(2) En cas d’annulation totale, la cause et les parties sont remises au même et semblable état où elles étaient avant l’intervention de la décision annulée. Dans ce cas, la Cour Suprême évoque et statue.

(3) En cas d’annulation partielle, la Cour Suprême statue exclusivement sur les points annulés ».

Le conseiller-rapporteur a ensuite donné lecture d’un rapport dénaturant grossièrement les faits. Mes avocats ont sollicité un renvoi pour préparer une réponse utile à ce long rapport. La Cour a refusé d’y donner une suite favorable.

Lors de l’audience, la Cour suprême n’a pas procédé à un réexamen complet des faits de la cause, comme prévu par la loi. Aucune des pièces de procédure n’a été produite et débattue. Aucun des témoins de l’accusation n’a été entendu. Il n’y a eu aucun débat contradictoire sur fond.

La Cour suprême a rendu au petit matin du 18 mai 2016, un Arrêt cassant et annulant le jugement du Tribunal de grande instance du Mfoundi, pour violation de la loi, donnant ainsi raison à ceux que ce jugement avait indignés. Statuant à nouveau, la Cour m’a condamné à 20 ans d’emprisonnement.

L’Arrêt n’a pu être récupéré par mes avocats au greffe de la Cour suprême que le 20 mars 2017, soit dix mois après la tenue de l’audience. A la lecture de cet Arrêt, il est stipulé ce qui suit :

« Ainsi jugé et prononcé par la Section spécialisée de la Cour Suprême en son audience publique ordinaire du trois mai deux mille seize en la salle des audiences de la Cour ».

Or, le 3 mai 2016, l’audience n’a pas eu lieu pour la raison décrite ci-dessus.

Il en découle que la Cour a prononcé le 18 mai 2016, la sentence rédigée avant l’audience, qu’elle avait déjà arrêtée et prévu de prononcer le 3 mai 2016. Ainsi, l’audience publique des 17 et 18 mai 2016 n’aura été qu’une grotesque mise en scène et un simulacre de procès.

La Section spécialisée de la Cour suprême m’a donc condamné dès le 3 mai 2016 avant l’audience des 17 et 18 mai 2016.

Cette incongruité de la Cour suprême avait fait l’objet de la grande « Une » de la parution du 3 juillet 2017 de votre quotidien qui avait titré : « Affaire MARAFA : Scandale à la Cour suprême : L’ex-Minatd avait été condamné avant d’être jugé ! »

Les conditions dans lesquelles cet Arrêt a été prononcé confirment ainsi l’Avis adopté par le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire selon lequel ma détention est arbitraire et que le gouvernement a l’obligation d’y mettre fin et de m’accorder une réparation appropriée.

Tout ce qui précède ne contribue pas à promouvoir l’avènement d’une SOCIÉTÉ DE CONFIANCE que je continue à appeler de tous mes vœux.

Je vous saurais gré de bien vouloir, pour une information complète de vos lecteurs, apporter ces précisions indispensables dans la présentation des faits, ceci avec le degré nécessaire de clarté et de publicité.

Veuillez agréer, monsieur le Directeur de publication, l’expression de ma considération distinguée.

MARAFA Hamidou Yaya

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